Aller manger. A cette simple évocation, Lua sentit son système digestif se tortiller dans tous les sens, réclamant une nourriture attendue depuis un bout de temps - mais elle ne s'en était pas encore rendue compte, trop occupée avec ses flamands roses et son hippopotame. Elle prit son amie par la main et l'entraîna vers un des cafés du zoo, juste en face. Heureusement, il était à portée de vue, ce qui évita aux deux demoiselles de se perdre encore une fois - quoique, avec Lua, tout était possible.
- Bonne idée. Je crève de faim.
Elle choisit une table, écartant une chaise pour Antonella avec une révérence dans un geste exagérément théâtral, soulevant son chapeau. Elle s'assit ensuite en face, commanda un beignet fourré au chocolat fondu et confiture de fraise - bien entendu, il n'était pas sur la carte, elle venait de l'inventer - et le fameux milk-shake banane-chocolat qu'elle prenait toujours, partout, dans n'importe quel café ou bar, qu'il soit prévu dans le menu ou pas, elle s'en fichait, de toutes façons on finissait toujours par le lui apporter après un magnifique battement de cils à la Bambi. C'est ce qu'elle fit avec le serveur, et ça ne rata pas, encore une fois.

Une fois ce dernier reparti, la jeune Fleming se retourna vers Anto'.
- Bon alors, dis moi. Pourquoi m'avoir traînée au zoo?
«  Traînée » n'était pas exactement le mot juste. Il n'avait pas fallu longtemps à Lua pour accepter cette invitation. En fait, elle avait carrément sauté dessus. En tant que grande gamine, comment aurait-elle pu faire autrement? Mais là n'était pas la question, elle ne se souvenait vraiment plus pourquoi elles avaient décidé, avec sa comparse, de faire une virée entre fausses petites-amies. Elle croyait bien se souvenir qu'il y avait une raison spéciale, mais elle ne s'en souvenait absolument pas. Ah, si, peut-être... Euh, non, en fait. Mais qu'est-ce qui avait bien pu amener les deux filles par ici? C'était quand même préoccupant, tiens, à ce rythme-là, si ça continuait, la Fleming ne tarderait pas à être Alzheimer.

UNE BALADE EN AMOUREUSES ? NOPE, PAS TOUT A FAIT.
FT LUA FLEMING & ANTONELLA MATTEÏ.

Suite à la proposition d'Antonella, cette dernière laissa Lua la traîner par la main en direction d'un café qui n'était qu'à quelques pas. Encore heureux. Il n'aurait plus manqué qu'elles se retrouvent à arpenter à nouveau le parc comme des âmes en peine, cherchant désespéremment un endroit où manger. Et en parlant de manger, la demoiselle avait tout particulièrement faim. Elle se creusa la mémoire, tentant de se rappeler si elle avait déjeuné. Elle en vain à la conclusion que oui, mais que ce n'était pas grave. Elle allait quand même se régaler ! Et tandis que Lua commandait un beignet fourré au chocolat fondu et à la confiture de fraise, ainsi qu'un milk-shake banane-chocolat – quels drôles de goûts -, la Matteï hésitait. Mais finalement, elle demanda un café bien noir, trop addict à ce breuvage pour s'en passer, même si elle n'était pas particulièrement fatiguée. A cela, elle ajouta un muffin aux pépites de chocoats et un autre fourré au caramel. Puis elle se tourna vers son amie et lui sourit. Oui, elle avait faim, et alors ? Peut-être même qu'elle se prendrait autre chose, avant de partir.
« Bon alors, dis moi. Pourquoi m'avoir traînée au zoo? » Antonella cligna des yeux. En fait, elles n'avaient même pas véritablement discuté de ses motivations. Elle avait proposé, Lua avait accepté, et ça s'était à peu près passé comme ça. L'italienne regarda le comptoire, s'attendant à reevoir sa commande à tout momment, mais ce ne fut pas le cas. A tous les coups, c'était le beignet de Lua qui les retardait. Anto leva les yeux au ciel. « En fait, j'me disais que ce serait pas mal qu'on se change un peu les idées. » Et puis elle regarda Lua dans les yeux, et se dit que, même si elle était très bonne menteuse, elle refusait de l'être avec sa camarade. Enfin, là, ce n'était pas exactement un mensonge. C'était plus une demi-vérité. Finalement, elle soupira, puis fit la grimace. « Bon, d'accord, la vérité, c'est que j'avais, moi, besoin de me changer les idées. Ça devient de plus en plus insupportable à la maison, Lua. Je supporte plus ma famille, je supporte plus ces prières, ces sermons, ces... raaaaaah. Je pense que si j'étais restée une seconde de plus, j'aurai fini par commettre un meurtre. » Elle laissa planer un instant ses paroles dans l'air, le temps que la Fleming les comprenne, les assimile, et entrevoie peut-être où la demoiselle voulait en venir. Puis cette dernière se jeta à l'eau. Enfin, façon de parler. Elle n'était pas spécialement timide. Mais c'était un peu gênant... « Lua, est-ce que je pourrais passer la nuit chez toi ? En mode pyjama parti, vieux souvenirs, ect... S'il te plaît ? » Elle lança un regard suppliant à la Fleming.

Après avoir commandé son milk-shake et son beignet, Lua pivota sur sa chaise et étendit les jambes sur la table, sans se soucier de la bienséance, comme d'habitude. Elle demanda à Anto' pourquoi elles étaient là, déjà, et celle-ci lui répondit alors que la Fleming se creusait encore la mémoire, à la recherche de la réponse à sa propre question, se triturant le lobe d'oreille gauche comme à chaque fois qu'elle réfléchissait. Elle haussa un sourcil interrogateur. Se changer les idées? Comment ça? Et puis, vint la deuxième phrase d'Antonnella, et elle comprit beaucoup mieux. Elle soupira.
- Ah, oui, ta famille... Je les connais même pas, mais d'après ce que j'ai entendu dire, c'est vrai que... Enfin, voilà quoi.
La façon préférée de Lua pour terminer ses phrases. « Enfin, voilà quoi. » Ca voulait tout dire et rien dire en même temps, et c'était surtout tellement peu explicite que ça lui correspondait bien. Encore un truc qui faisait que personne ne comprenait rien à ce qu'il se passait dans sa tête.

Elle écoutait Anto' d'une oreille, épiait les conversations des autres tables de l'autre. Cependant, elle se concentra sur son amie lorsque celle-ci l'implora pour une soirée pyjama. Lua afficha alors ce sourire banane qu'elle avait lorsqu'une perspective amusante s'annonçait.
- Un peu que tu peux ! Y'a rien de plus drôle qu'une soirée pyjama. En plus, mon père est pas là ce soir, on va pouvoir mettre le souk dans la maison!
Elle se mit à se tortiller sur sa chaise, soudainement électrisée par cette possibilité. Elle adorait les soirées pyjama depuis toute petite. Ça serait encore mieux avec cette fille aussi folle qu'elle qu'était Anto'.
- Et puis, tu sais quoi, j'ai deux paquets de Chamallows qui n'attendent que nous.
Elle jeta un coup d’œil à sa montre rouge flash. Seize heures. Elles avaient largement le temps de faire autre chose en attendant, mais il aurait déjà fallu que leurs commandes arrivent. Lua sentit son estomac se tordre, elle grommela :
- Bon, ça vient, oui? J'ai faim, zut.

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Suite à ses paroles, Antonella attendait avec impatience une réponse de son amie. Oui, non, peut-être, qu'allait-elle dire ? Bon, bien sûr, c'était assez stupide, étant donné que la demoiselle savait très bien qu'elle pouvait compter sur Lua. Il y avait de très grandes chances qu'elle accepte. Mais sait-on jamais. Elle attrapa une mèche de ses cheveux, et commença à jouer avec, avant de sourire quand sa camarade répondit. C'était positif, bien sûr. Elle était contente et s'apprêtait à répondre, au moment où Lua se plaignit que leurs commandes ne soient pas encore arrivées. Et, comme si les serveurs l'avaient entendu, deux secondes plus tard, un jeune homme arriva, plateau en main, pour leur apporter leur boisson et la nourriture. Antonella hocha la tête, puis remercia d'un grand sourire, et attrapa sa tasse de café. Elle en prit une grosse gorgée, ne se souciant pas que le liquide brûlant lui crame la langue. Elle était habituée, à ça. Ensuite, elle enleva un petit bout à son muffin et s'apprêta à le mettre dans sa bouche, quand elle se rappela qu'elle avait quelque chose à dire. Elle se redressa et regarda sa camarade, les yeux brillant. « Si tu veux, je peux même passer chercher mon disque dur, pour qu'on se regarde un bon petit film. Et puis, comme je suis une invitée vraiment exceptionnelle, je peux faire la cuisine, aussi. » Elle mit – enfin – le morceau de muffin dans sa bouche, puis mâcha lentement, pour laisser les pépites de chocolat régaler son palet. « Par contre, je ne promets pas de faire de la cuisine de pro. Ni même que ce soit mangeable, en fait. Ça te dit je nous paye une pizza ? » Elle rigola, en constatant son piètre talent culinaire. Elle était capable de rater des pâtes. Mais faut dire, aussi, qu'étant donné le temps qu'elle passait à travailler, elle préférait ne pas en perdre en bonne cuisine. Généralement, elle se contentait de plats froids ou microondable. Et puis, quand bien même elle avait un peu de temps, elle préférait le passer comme ça, avec des amis. C'était quand même plus agréable. Et puis, ça lui permettait de décompresser.
Son ventre se mit alors à se rappeler à sa mémoire, et elle engouffra en quatre bouchées le reste de son muffin aux pépites de chocolat, faisant passé le tout avec une gorgée de café. Puis elle s'étira, s'adossa plus confortablement contre le dossier de sa chaise, et commença à réfléchir à ce qu'elles allaient voir ensuite. Et elle avait une petite préférence pour les chèvres, d'ailleurs.

Au moment même où Lua grognait parce que les commandes mettaient du temps à arriver, le serveur approcha de leur table et déposa devant la jeune fille un plateau supportant un magnifique beignet doré à souhait et un milk-shake dans un immense gobelet en carton qui, ma foi, avait l'air plutôt appétissant. Lua écarquilla de grands yeux émerveillés et s'en pourlécha les babines. Bon sang, elle en baverait presque à l'avance. Au diable le régime ! Elle était censée avoir une alimentation assez stricte, du fait de sa profession de gymnaste, mais évidemment, elle s'en fichait royalement. Et puis zut, hein. Elle arracha une portion de beignet d'un coup de dents, avala une gorgée de sa boisson, et se mit à rire à la proposition d'Antonella de faire la cuisine pour leur petite soirée.
- A moins que tu ne tiennes absolument à cuisiner... Je crois qu'une pizza ira très bien. Et puis, pour le disque dur, je crois que ça devrait aller. Mon père est un cinéphile pur et dur, il a une collection de DVDs gigantesque, alors, avec en plus mes propres films, on a de quoi faire pour les trois ans à venir.
Elle attaqua la partie fourrée du beignet, en fondit littéralement d'extase. Sacrebleu, qu'est-ce que c'était bon! Comment pouvait-on préférer à cette merveille un muffin et un café? Surtout le café. Noir, comme ça, berk. Bien trop amer. Lua, en grande gamine qui se respecte, préférait de loin le sucré. L'écœurant, même. Rien de meilleur qu'un yaourt dans lequel le volume de sucre en poudre était plus important que celui de lait caillé. Ou ce fameux beignet fourré. Et le milk-shake! Glacé, à vous en faire exploser les dents, et surtout tellement sucré qu'il en devenait vomitif. Voilà quelque chose de bon et rafraîchissant.
Un café noir. Et puis quoi encore?

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« A moins que tu ne tiennes absolument à cuisiner... Je crois qu'une pizza ira très bien. Et puis, pour le disque dur, je crois que ça devrait aller. Mon père est un cinéphile pur et dur, il a une collection de DVDs gigantesque, alors, avec en plus mes propres films, on a de quoi faire pour les trois ans à venir. » Antonella hocha lentement la tête, montrant qu'elle avait compris les paroles de son amie, tandis que son regard vague était plongé vers un point précis on ne sait où. Sa main droite, quand à elle, récupéra un bout de son muffin au caramel, qu'elle trempa dans son café, avant de l'avaler. Un grand sourire orna son visage. Qu'est-ce que c'était bon ! Bon, un peu spécial, certes, dû à ce mélange sucré/amer. Mais c'était tout de même délicieux. Enfin, pour elle. Parce que ce serait trop étonnant que tout le monde ait les mêmes goûts qu'elle. Suite à ça, elle avala une grande gorgée de café. Son café bien noir et elle, c'était toute une histoire d'amour. Elle avait commencé à en prendre dès le début de sa première année de médecine, pour tenir le coup, et en était vite devenue accroc. Maintenant, elle ne pouvait plus se passer de ce breuvage. Une de ses amies se moquaient d'ailleurs parfois d'elle, en lui disant qu'elle ferait mieux de s'inscrire aux aux caféïnoliques anonymes. Oui, elle aimait bien inventer des mots, aussi.
« J'espère que vous avez des dessins animés, alors, parce que j'aurai bien envie d'en regarder un, ce soir ! Un truc comme Pocahantas. Ou Madagascar, tiens.  » répondit-elle finalement à Lua. Elle lui sourit, d'un immense sourire lumineux et légèrement enfantin. Mais c'était fait exprès. Elle aimait jouer à la gamine, parfois. Surtout quand ça pouvait énerver ses parents. Elle finit doucement son muffin, savourant bien le goût dans sa bouche, puis elle regarda son café, dont il restait encore la moitié. Et elle allait la savourer, cette moitié ! Après tout, c'était sûrement son dernier café de la journée. Sauf si elle arrivait à s'en faire un chez sa camarade...
« Sinon, tu veux faire quoi, après ? On reste au zoo ? » demanda-t-elle ensuite, en regardant la Fleming.

Suite à ses considérations dégoûtées sur le café d’Antonella, Lua avala ce qui restait de son beignet et posa ses coudes sur la table, poings fermés en-dessous de son menton, faisant mine d’être passionnée par le spectacle de son amie en train de tremper son muffin dans le breuvage noir et amer. Lorsque Anto’ parla de dessins animés, le regard de la Fleming s’éclaira.

— Alors là, tu sais pas de quoi tu parles !

En effet, la jeune fille avait toujours adoré les films d’animation, les Walt Disney en particulier. Comme tous les enfants, elle avait été bercée dedans mais, au contraire de la majeure partie de la population, elle avait continué à les re-visionner et à suivre les sorties des nouveaux passé l’âge de douze ans. Les dessins animés, grand amour perpétuel de la jeune fille. En première place, même devant le milk-shake banane-chocolat et le beignet fraise-nutella, c’est dire.

— Personnellement, Raiponce ou Rebelle me parlent bien, mais Pocahontas, pourquoi pas. Madagascar, bof, j’suis trop d’humeur romantique, aujourd’hui.

Elle fit un clin d’œil à sa prétendue petite-amie, et se mit à se balancer nonchalamment sur sa chaise, une sorte de tic qui datait de quand elle était à l’école et qu’elle avait conservé sans s’en rendre compte. Anto’ demanda ce qu’elle avait envie de faire ensuite, et Lua remit les quatre pieds de son siège sur le sol, se triturant le lobe d’oreille droit comme à chaque fois qu’elle réfléchissait avant de parler — ce qui, il faut bien l’avouer, était somme toute assez rare.

— Je sais pas… On n’a pas encore été voir les chèvres, je crois. Ça te dit ?
Sur ce, sans vraiment attendre de réponse, la jeune fille se leva, attendant que son amie finisse sa collation. Elle en avait marre d’être assise.

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« Personnellement, Raiponce ou Rebelle me parlent bien, mais Pocahontas, pourquoi pas. Madagascar, bof, j’suis trop d’humeur romantique, aujourd'hui. » Antonella réfléchit un instant à toutes ces propositions. Elle n'était pas spécialement d'humeur romantique, elle, mais c'était assez habituel. Pourquoi se lamenter de sa vie amoureuse devant un film à l'histoire si belle ? Bon, d'accord, elle le faisait, parfois. Même si elle n'était pas vraiment du genre à pleurer, en fait. Elle le faisait assez rarement, et quand c'était le cas, c'était toujours pour de bonnes raisons. «On peut enchaîner les deux, dit-elle soudain. Pourquoi pas Raiponce puis Pocahontas ? » Rien de mieux qu'une charmante soirée films, en compagnie d'une amie, pour se requinquer et bien dormir. Elle était si fatiguée et si lasse, en ce moment, que cette petite pause lui ferait le plus grand bien. C'était à la fois une pause dans ses devoirs, mais en plus, une pause dans sa famille, alors quoi demander de plus ? Elle sourit à son mie, tentant de faire passer toute sa reconnaissance dans ce sourire.

Puis la Fleming proposa d'aller voir les chèvres. Anto hocha la tête, exprimant son accord, puis remarque que sa camarade semblait impatiente de partir. Elle eut un petit rire, puis but une lente gorgée de son café, histoire de le savourer, avant de le finir d'un coup. Puis elle se leva, pleine d'énergie, la caféine s'écoulant dans ses veines. « Bon, allons voir les chèvres ! » s'exclama-t-elle. Elle attrapa son amie par le bras, la traîna sur plusieurs pas, avant de s'arrêter. Quelle idiote. Elle ne savait absolument pas où se trouvait l'enclos des chèvres, les sourcils froncés. « Bon, que fait-on ? On ccompte sur notre chance légendaire ? On regarde sur le plan ? Ou on demande de l'aide ? Au pire, tant pis, on peut juste se balader en profitant des animaux, et on prie ensuite pour tomber sur les chèvres. » Elle aimait bien cette idée-là, en fait, sans prise de têtes.

Lua, tout en regardant son amie finir son muffin et son café, eut un grand sourire quand Anto' parla de regarder deux Walt Disney à la suite. Voilà qui donnait un programme plutôt sympa.
— Alors va pour Raiponce puis Pocahontas.
La jeune fille fit un immense sourire à la jeune Matteï, toute contente. Cette soirée allait être géniale.
Oui, bon, d'accord, rien d'exceptionnel à regarder des films en compagnie d'une amie squatteuse, mais chez les Fleming, on aimait les choses simples, pas prises de tête. Surtout pas prise de tête. Et justement, ça tombait bien, la soirée qui s'annonçait promettait d'être à la fois reposante et complètement dans l'esprit de phase de régression qui habitait Lua en ce moment. On aurait dit qu'elle se forçait à rester bloquée sur la case enfance.

Lorsque la jeune gymnaste proposa d'aller voir les chèvres, elle s'était déjà levée en attendant que sa camarade termine complètement sa tasse de café, et cette dernière se leva d'un bond à son tour en traînant presque Lua derrière elle. Au bout de quelques pas cependant, elles s'arrêtèrent, et Antonella proposa différentes manières de trouver l'enclos des chèvres.
— Hum, effectivement, en comptant sur notre mythique sens de l'orientation, on a peu de chances de s'y retrouver. Perso, je vote pour la dernière option.
Elle repartit donc, son amie sur les talons, se baladant allègrement au milieu des enclos, bavardant d'un peu tout et n'importe quoi - enfin, surtout n'importe quoi -, exactement comme une demie-heure auparavant lorsqu'elles cherchaient ce diable d'hippopotame.

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« Hum, effectivement, en comptant sur notre mythique sens de l'orientation, on a peu de chances de s'y retrouver. Perso, je vote pour la dernière option. » Antonella sourit. Elle se doutait bien que son amie préférerait cette solution aussi. D'un autre côté, si elles étaient au zoo, c'était avant tout en profiter pour regarder un peu tout les animaux – ou en tout cas le maximum – donc c'était un peu inutile d'en chercher un en particulier. C'est pour cette raison que la Matteï hocha la tête et suivie sa camarade. Elles se mirent à se promener dans le zoo en bavardant de tout et de rien, abordant tous les sujets possibles tout en s'arrêtant de temps en temps pour aller voir tels animaux et prendre des photos.
Finalement elles arrivèrent enfin à l'enclos des chèvres. C'était un enclos dans lequel les visiteurs pouvaient entrer pour donner à manger ou caresser les animaux. La brune tourna la tête vers Lua, à qui elle fit un immense sourire. « On y est, on y est ! Tu viens on va leur acheter à manger ? » Elle se précipita vers une petite boutique qui vendait des popcorn froids, dont les chèvres étaient friands. Elle en acheta un paquet, puis entra dans l'enclos. « Regarde celui là-bas, s'enthousiasmait-elle en regardant un chevreau brun. Il est adorable ! » Elle se dirigea vers l'animal en question, ouvrit son paquet de nourriture dans lequel elle plongea la main, et proposa deux popcorn au chevreau qui les avala goulûment. Sauf que ce qu'elle n'avait pas prévu était que, appâtés par l'odeur et par la présence de nourriture, d'autres chèvres ne tardèrent pas à entourer la demoiselle qui éclata de rire en constatant ça. L'attitude des chèvres, qui la regardaient avec des yeux suppliants, l'amusait au plus haut point.

Les animaux. Elle les avait toujours aimé, Lua, ces bêtes, grosses comme petites. Plus naturelles, plus spontanées que les humains, rigides et enfermés dans leurs codes. Les codes, justement, toutes ces règles, ces décrets, ces étiquettes qu’on mettait aux gens, la jeune Fleming avait très tôt compris qu’elle les détestait, les haïssait, qu’elle les abhorrait. A quoi tout cela servait-il, si ce n’était à détruire le peu de sincérité qui pouvait subsister en ce bas monde ? Les bestioles, elles au moins, vivaient sans règles, sans soucis, en somme. Hakuna matata. De là à dire que notre gymnaste aurait voulu en faire partie, il n’y avait qu’un pas.

La jeune fille réfléchissait à tout cela, tout en causant avec Antonella, en compagnie de laquelle elle visitait l’immense Zoo de San Sombrèro. Après leur pause-goûter bien relaxante, les deux amies avaient décidé de trouver l’enclos des chèvres sans trop se prendre la tête, c’est-à-dire en ne le cherchant même pas, simplement en se baladant dans les allées, et au petit bonheur la chance. Visiblement, c’était la meilleure chose à faire, et la technique la plus efficace, puisqu’elles trouvèrent les chèvres en un temps record.

On pouvait entrer dans l’enclos sans demander de comptes à personne, c’est donc ce que firent les deux demoiselles, après être allées leur acheter à manger sur l’indication d’Anto. Leurs paquets de pop-corn froids sous le bras, elles pénétrèrent donc dans l’enclos et se penchèrent sur les animaux, lesquels étaient à la fois les plus ravissants et les plus drôles que Lua ait jamais vus. Toute à son admiration pour un magnifique chevreau blanc, la jeune fille ne prêta qu’une attention distraite à son amie qui s’extasiait devant un bicot brun, et, quand la blondinette se retourna pour rameuter la Matteï, elle s’esclaffa devant le spectacle qui s’offrait à elle : sa camarade était encerclée par des chèvres désireuses d’obtenir leur part de pop-corn. La Fleming s’approcha donc, toujours secouée d’un fou rire, et lança quelques grains du sien afin de libérer son acolyte de l’emprise des animaux fous. Aussitôt, ces dames les biquettes se précipitèrent pour en attraper un peu.

— Eh bah, elles n’ont pas mangé depuis trois mois ou quoi ? Des vraies morphales, ces machins.

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Antonella était toujours en train de rire, tout en lançant quelques pop-corns, mais pas assez pour satisfaire ces bestioles, qui repartaient directement à l'attaque. Heureusement que Lua était là pour régler le problème ! La jeune femme lança des sucreries, que les chèvres s'empressèrent d'aller dévorer avidement. Puis elle fit un commentaire sur l'appétit des animaux. La brune, enfin libérée de ses tortionnaires à poils, sauta dans le bras de son amie, feignant une crise de larmes. « Oh Lua, ma chère et tendre Lua, ma super-héroïne, mon prince sur son cheval blanc... que ferais-je sans toi ! » Avouez qu'elle était très bonne actrice. Tout le monde aurait pu y croire. Enfin si elle ne s'était pas écartée brusquement en remarquant que dans la manœuvre, elle avait laisser tomber son sachet de pop-corn. Sachet qui était pris d'assaut par un bouc, lequel ne donnait pas l'impression de vouloir changer de proie. Alors Antonella, décidant qu'elle était la plus vieille et donc qu'elle devait prendre les choses en main une bonne fois pour toute, retroussa mentalement ses manches et se prépara à la bataille. « Eh face de bouc, dit-elle d'un air sérieux, s'empêchant de rire devant la nullité de sa provocation, ce truc est à moi, donc où tu lâches, ou tu paies. Sale voleur de bac à sable, si tu penses m'intimider... » Il ne réagit absolument pas, continuant à se goinfrer tout en maintenant à distance les chèvres qui lorgnaient sa nourriture avec appétit. Devant l'échec de sa première tentative, la Matteï décida de passer aux choses sérieuses et se prépara à mettre les mains à la pâte, quitte à se les salir avec un peu de sang de bouc – quoi ? elle, violente ? mais non, pas du tout. Quoiqu'il en soit, elle s'approcha donc de l'animal, son air le plus menaçant fixé sur le visage, et tendit la main vers son paquet. Ce à quoi le bouc réagit extrêmement mal. Il leva la tête, la regarda, la catalogua dans la colonne des dangers potentiel, et se mit en position d'attaque. Mue par un très fort instinct de courage, Antonella... prit la fuite. Elle déguerpit hors de l'enclos en criant à l'intention de sa camarade restée en arrière : « Bon, moi je sors, ça pue trop le bouc par ici ! » Ah et oui, elle n'en avait pas fini avec ses jeux de mots et provocations à deux balles.

HRP:

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Lua mit deux bonnes minutes à calmer son rire, après la mésaventure d'Antonella. Cette dernière profita de ces deux bonnes minutes pour râler et faire semblant de bouder, bras croisés et tête tournée. Elle avait été maltraitée par une saleté d'animal, et voilà que son amie se moquait d'elle ! Bon, d'accord, elle aurait agit exactement de la même manière à la place de la Fleming. Sauf que justement, elle n'était pas à sa place, donc elle pouvait bien se plaindre comme elle voulait.
« Oh, dis, Anto… On va acheter une peluche à la boutique ? Steuplaaaaaaaaait ! » Antonella fit mine de réfléchir intensément à la question, avant de répondre d'un grand « NON » retentissant. Puis elle tira la langue à son amie et sautilla en direction du magasin. Dire l'inverse de ce qu'elle pensait et comptait faire, elle adorait. Bon, d'accord, les gens accordaient peu de crédit à ses paroles à cause de ça, mais tant pis. Les deux demoiselles se baladèrent parmi les peluches, admirant tous les petits minois qui semblaient les regarder avec des regards suppliants. Et puis tout à coup, elles tombèrent nez à nez avec une peluche bouc. Lua en profita pour se moquer à nouveau de la Matteï, qui affecta une moue traumatisée. Enfin, malgré tout, elle attrapa la peluche, la trouvant tout de même belle, quoique énorme, et alla la payer, tandis que Lua choisissait un hippopotame. Antonella paya, en se promettant de faire plus d'économies pour la prochaine fois.
Une fois leurs achats terminés, les deux jeunes femmes sortirent de la boutique, transportant tant bien que mal leurs énormes peluches, qui prenaient beaucoup de place. Craquant, Antonella finit par plaquer son bouc contre son corps, l'enserrant de ses deux bras. Elle ne savait absolument pas comment le porter. Cette situation fit rire la Flemming, qui fut bientôt accompagnée par la brune, qui s'imaginait la scène de l'extérieur. Qu'est-ce qu'ils devaient se moquer, tous les spectateurs de cette vision lamentable !
C'est à la sortie du zoo que la Matteï se tourna vers sa camarade, en se mordant légèrement la lèvre supérieure, gênée. « Du coup, euh, je passe chez moi déposer mes affaires, puis je passe chez toi ? »

HRP: