Comme bien souvent, les deux blondes s'étaient donné rendez-vous en boîte, au bar. Sa nouvelle acolyte avait atterri sur l'ile depuis peu, mais Juliet voyait déjà en elle une alliée potentielle. Même caractère, même franchise, Beverly pourrait bien vite devenir à son image. Et dans cette ville où la blonde collectionnait plus facilement les ennemis que les amis, Juliet ne rejetait pas une aide précieuse. Ne lui déplaise, ces relations chaotiques qu'elle collectionnait. Aucun monarque ne gouvernait sans tumulte. Et tant que Juliet récoltait sa dose de sexe, de puissance et de suffisance, elle laissait sa vie suivre son cours.

Accoudée au comptoir, ses yeux tels deux radars repéraient déjà sa cible de la soirée. Elle avait élu domicile ici depuis quelques mois déjà, et la ville n'étant pas très grande, elle commençait à connaître tout le monde. Autant qu'on la connaissait. Fort heureusement, elle chérissait les visages inconnus sur lesquels son regard avait le loisir de se poser. Mais d'abord, elle attendait Berverly. Il fallait qu'elle la comble de détails, sur ce blond qui l'avait raccompagnée chez elle hier soir, et sur la nouvelle crise délicieuse qu'il avait causé, avec Noah. Beverly n'était pas sans connaître la relation incompréhensible que menait Juliet avec son colocataire, Noah. En amie franche, elle ne cessait d'affirmer à Juliet qu'ils devaient arrêter ces disputes enfantines, jouer les grands et s'avouer que, putain, ils tenaient l'un à l'autre. Mais leurs fiertés respectives les bouffaient, et détruisaient ce "nous" qu'ils auraient pu construire, mais qui s'éloignait peu à peu. L'avant-veille, Noah avait ramené une plantureuse créature chez eux, l'exposant en petite tenue sous le nez de Juliet le lendemain matin. Et à Juliet de se venger ensuite, comme d'habitude. L'histoire avait d quoi lasser. Ju, elle, en était surtout exaspérée. Est-ce qu'elle tenait à Noah, comme l'affirmait raisonnablement Berverly ? Joker, pause, stop, pas juste, touche. Elle ne répondrait pas à la question. Pourtant, la dispute avec Noah de ce matin n'avait pas que le loisir de la satisfaire. Elle la faisait rougir de plaisir, comme une gamine en fleur face à un texto de son camarade de chimie dont elle se serait éperdument éprise.

Finalement, la blonde daigna enfin la rejoindre. Juliet l’accueillit non sans soupirer, afin de marquer son agacement face à son retard. « Tu avais le droit d'arriver à l'heure tu sais ! » lâcha-t-elle sans méchanceté, mais sur un ton las, nonchalant. Un reproche sans en être un, tout un art de la McCalister.

« Je vais bien, enfin ... » Juliet attendit que le barman leur serve leur commande, avant de continuer et d'aborder Noah. Elle n'avait pas voulu se ruer sur le sujet, signe de faiblesse vis à vis de lui et de tout ce qu'il représentait pour elle. Mais c'était plus fort qu'elle, son nom lui brûlait les lèvres. Elle prit le temps de boire une gorgée de sa boisson, comme si les secondes écoulées signifiaient qu'elle était forte et que Noah ne l’obsédait pas. A peine. « J'ai croisé Noah ce matin, il est encore allée de ses remarques, sur le mec que j'ai ramené la nuit dernière. Très sympathique au passage. Bref, Noah me sort par les yeux je ne peux plus l'encadrer !! » Et de rage, elle se mit à mordiller sa paille, faible consolation pour calmer sa colère. « Et toi alors ? Je prie pour que tu aies des nouvelles plus intéressantes ! » En vrai, elle mourrait d'envie de parler de Noah, encore et encore. Ça allait du plan pour l'éliminer de sa vie, à celui pour l'assouvir complètement. Elle devenait dingue, elle avait besoin de penser à autre chose. Machinalement, son regard se posa sur la piste de danse. Elle avait besoin de quelqu'un d'autre, même si le problème Noah repointerait le bout de son nez le lendemain matin.

Juliet avait parfaitement conscience d'abreuver Berverly de paroles, comme un flot continu qu'on ne pouvait stopper. Elle n'était pas détendue, un état d'esprit qui courrait depuis trop longtemps déjà, à son désagrément.

Finalement, elle comptait un peu sur son amie, pour la sortir de là. Elle attendait l'idée du siècle, la solution à tout ça. Mais jamais elle ne l'avouerait, non. Elle gardait ses sentiments et ses appels au secours bien enfouis, comme à son habitude. Son image glaciale était trop précieuse. Et puis, quelle piteuse aide que lui apportait Berverly ... Juliet faillit s’étouffer avec son cocktail, tant la question de Berverly était déplacée et incongrue. Cette fille tombait sur la tête, ce n'était pas possible autrement. Heureusement, elle se rattrapa ... Ce qui n'empêcha pas la jeune fille de garder un regard suspicieux posé sur son amie. A quoi jouait-elle, bon dieu ? Peut-être Bev était-elle de mèche avec Noah ... Et voilà que Juliet divaguait, partant dans des délires irréalistes ! Décidément, il lui fallait vraiment une solution miracle. Alors, danser, pour l'instant, ce n'était pas trop mal. « Oui, attends ... » dit-elle avant de finir son verre, d'une traite. Puis, elle attrapa la main de son amie afin de l'entraîner sur la piste. Là, bien au milieu, sous les projecteurs et les reflets des boules à facette, elles commencèrent à se déhancher. Bien vite, Juliet repéra un mec. Un mec qu'une autre fille avait déjà repéré. Qu'à cela ne tienne, une telle barrière ne l'avait jamais retenue, jamais empêchée. La fille lui tournait le dos, c'était même parfait. Là, dans la foule, serrée entre tous ces gens, à peine visible, Juliet s'approcha d'elle, tira d'un coup sur les ficelles de son dos nus, qui tomba vite à ses pieds. Juliet l'aurait parié, la fille ne portait aucun soutien gorge. Ces filles qui adoptaient le style "je reviens tout juste de la plage, je n'ai pas eu le temps de me changer" choquait l'héritière. Une fille qui devait en être à sa première sortie d'ailleurs, puisque, paniquée, elle s'enfuit, son maillot à la main. Parfait, Sophie Ellis Bextor n'aurait pas fait mieux. Elle ricana, le mec la remarqua. Alors, tranquillement, Juliet put enfin profiter du jeune homme, oubliant presque son amie non loin à ses côtés, ou cette fille qu'elle venait de ridiculiser, et qui devait regretter dans un coin d'être venue ici.

Juliet fut sortie de sa danse suave par ... Beverly. Autrement dit, la dernière personne au monde qu'elle aurait pu imaginer. Noah, un mec qu'elle avait serré antérieurement, le grand frère baraqué de la fille humiliée ... tant de possibilités plus crédibles que Berverly. Juliet lui lança un regard mauvais en retour. Si les filles avaient été les descendantes de Superman, elles se seraient déjà éliminées du regard. Heureusement pour elles, leurs yeux restaient inoffensifs.

« Toi qu'est-ce qui te prend ! Je suis en train de danser, tu ne vois pas ? » Juliet détourna le regard, mais il était trop tard, sa cible s'était déjà éclipsée, à son plus grand regret. Il ne lui restait donc que Beverly, sur qui passer ses nerfs. « Ce n'est pas vrai, tu es contente ? Le mec est parti, merci !! C'est quoi ton problème, t'es jalouse ? T'en veux toi aussi ? » Et sans prévenir, elle s'approcha de Berverly, l'attrapa par le bas du dos afin de la rapprocher d'elle, et l'embrassa violemment. Le baiser ne dura que quelques secondes, à la suite desquelles Juliet s'écarta, pour laisser échapper son rire mesquin et glacial. Elle espérait avoir perturbée Bev suffisamment longtemps pour lui rendre la pareille de la frustration. Elle l'abandonna là, plantée au milieu de la piste, et regagna le bar pour commander un nouveau cocktail. Et au passage, elle se paya le luxe de draguer le barman. Finalement, tout n'était pas perdu.