Heather avait toujours été cette petite fille tendre, toujours le sourire aux lèvres. Pour certains elle pourrait même apparaître naîve et soumise, mais au fond d'elle-même, la jeune O'Connell cachait toujours ses vrais sentiments. Pour tout dire, elle n'arrivait pas à contrôler ses émotions, et affichait donc toujours ce sourire comme un masque pour paraître toujours heureuse. Avec la mort de son père et tout ce qui s'en était suivit, elle avait d'ailleurs intérêt à cacher qui elle était réellement devenue. Mais naturellement, Heather était une personne sensible, romantique et affectueuse, et la moindre chose qui arrivait à l'un de ses proches la terrifiait. Perdre son père dans des circonstances peu banales était suffisant, elle n'avait pas besoin d'autre drame dans sa vie. En plus, Cataleya était comme une sœur pour elle. C'était la personne qu'elle aimait le plus au monde, et entendant qu'elle avait eu un accident, Heather avait failli défaillir. Si Cat n'avait pas survécu, elle se serait sans aucun doute enfoncée dans un mutisme sans issue, un désespoir profond qui aurait fini par la tuer. Oui, elle était si sensible. Quoi qu'il en soit, la nouvelle de sa guérison enleva un lourd fardeau de ses épaules. Sa cousine pouvait même rentrer à la maison.

Esquissant un sourire à sa cousine, sachant qu'elle n'allait pas aussi bien qu'elle en avait l'air, Heather aida Cat à s'installer sur le fauteuil pour la conduire dehors. Mine de rien, les deux cousines n'étaient pas si différentes. Toutes deux cherchaient toujours à ce que les autres soient heureux, au détriment du leur. Ainsi, Cat avait allègrement menti à Heath en lui disant qu'elle allait bien pour ne pas qu'elle s'inquiète. Elle devait aussi savoir que Heather était au courant qu'elle mentait, mais bref, les deux cousines fonctionnaient comme ça depuis longtemps, et c'était comme une rassurance mutuelle. C'était difficile d'exprimer vraiment leurs sentiments et ressentis. Mais ce qu'elles avaient vécues ensemble, notamment la perte d'un de leurs parents faisaient qu'elles se soutenaient en dépit de tout.

Tout en poussant sa cousine vers l'extérieur après avoir rempli la paperasse nécéssaire, Heather resta silencieuse, repassant en revue les beaux souvenirs qu'elle avait eu avec Cat. C'était toujours la même chose. Quand quelqu'un avait un accident elle se ruait auprès de lui quitte à louper les cours ou un spectacle, restait auprès de lui jusqu'à se réveille quitte à ne pas manger et repassait en revue leurs souvenirs communs. C'était comme si se rappeler de tout ça rendait le blessé encore plein de vie à ses côtés, et lui donnait de l'espoir quant à son rétablissement. Et c'était comme ça depuis qu'elle était petite, sans exception. Vous pourriez croire que Heather vivait une vie aux dépends des autres, qu'elle ne se considérait pas heureuse tandis que ses proches ne l'étaient pas, et vous auriez raison. Cependant, Heather savait aussi être intelligente et voir quand on se moquait d'elle. Sa sensibilité était parfois, surtout quand elle était plus jeune, propice à des moqueries de la part des autres, mais elle assumait qui elle était. Certes, elle s'occupait d'abord des autres avant elle-même. Et alors ? Au moins elle n'était pas égoïste, et ça, elle en était fière. Toutefois, là encore, malgré le fait qu'elle prenait les remarques avec un sourire, au fond d'elle-même cela lui faisait du mal. Pourquoi les bonnes personnes étaient toujours moquées ? Pourquoi aimait-on les filles qui étaient dévergondées et bêtes plutôt que celle qui avaient vraiment des choses intéressantes à raconter ? Heather avait philosophé de nombreuses fois sur la question mais n'avait jamais trouvé de réponse. Le monde était fait ainsi, et les gentils étaient relégués aux moqueries tandis que les méchants gagnaient. Et oui, la vie n'était pas un film, et la réalité en était d'autant plus dure.

Les paroles de Cataleya sortirent Heather de ses pensées et elle fit basculer sa cousine en avant tellement elle en fut choquée. Woupla, tous les souvenirs qu'elles avaient eu de Cat lui parlant de ce fameux Isaiah lui revinrent en mémoire à vitesse grand V. Elle avait une bonne mémoire mais elle ne se rappelait que vaguement la raison pourquoi ils s'étaient perdus de vue. Tout ce qu'elle savait c'était que Cat n'arrivait pas à l'oublier, même depuis tout ce temps. Et voilà qu'ils s'étaient retrouvés ! C'était à la limite de l'impossible. Alors que Heather était encore pétrifiée de choc, Cat lui sourit et expliqua ce qu'il s'était passé. La jeune O'Connell s'assit sur un banc posé à côté afin de mieux écouter ce que disait sa cousine. Elle était tellement contente pour sa cousine qu'elle n'en revenait pas et n'arrivait pas à afficher sa joie pour elle. Elle se contenta de faire un grand sourire. « Punaise mais c'est fou ! » s'exclama-t-elle alors. « Et du coup vous avez parlé de quoi, 'fin je sais pas, vous vous êtes pas vus depuis quoi, dix ans ou plus ? » Heather avait du mal à imaginer comment ils avaient du réagir, l'un et l'autre. C'était comme si d'un coup, elle retrouvait son père. Qu'est-ce qu'elle pourrait bien lui dire ? Néanmoins, elle imaginait bien que sa cousine devait être certes sous le choc -et encore un peu droguée- mais elle devait être sur un petit nuage. Et n'étais pas prête d'y redescendre..

Dix-sept ans. Dix-sept ans de séparation avant de se retrouver par hasard. Pas étonnant que Cat soit aussi émue et joyeuse. Heather regardait sa cousine avec des étoiles dans les yeux et un sourire d'attendrissement. Elle rayonnait, chose qu'Heather n'avait pas vu souvent chez Cat. Elle en compris une partie pourquoi avec ce que Cat raconta après. Il lui conta leur rencontre, leurs échanges de langues, son cadeau puis leur séparation. Le sourire des deux jeunes filles avait disparu, laissant place à une certaine tristesse. Heather n'avait jamais su cette histoire. Une partie d'elle-même en voulait à sa cousine de ne pas lui avoir raconté plus tôt. Et pourquoi ? Parce qu'elle devait croire qu'elle était trop jeune, ou qu'elle n'avait pas sa confiance. Elle fronça les sourcils. Si elle savait...

Ceci dit, l'histoire la toucha et elle trouve leurs retrouvailles encore plus magiques. Quand Cataleya avoua que le beau-père d'Isaiah l'avait aussi frappée, Heather sortit de sa tristesse pour laisser place à de la colère et de l'indignation. « Attends, quoi ? Mais il t'a frappé où ? C'était grave ? Tu l'as dénoncé j'espère ? » Heather regardait sa sœur avec colère. « Et toi tu m'en parles pas, non. Tranquille, tu t'es fait agressée et tu m'en parle pas ! Je croyais qu'on se disait tout Cat, pourquoi est-ce que tu me l'as caché ? » Elle s'était levé et marchait en petits ronds tout en laissant exploser son indignation. « Tu crois que tu peux pas me faire confiance, c'est ça hein ? Tu crois que je suis trop jeune pour comprendre ? Que j'irais tout rapporter à la famille ? Putain Cat … ! » déclara-t-elle, dans un état de désespoir. Encore une fois, elle avait l'impression d'avoir tout fait mal, de ne pas avoir été là pour sa cousine. Certes elle était vraiment jeune à l'époque, mais cela faisait au moins douze ans qu'elles habitaient ensembles, allait-elle lui dire qu'au bout de tout ce temps elle la trouvait encore trop jeune ? Malgré tout, Heather voyait bien que Cataleya était très peinée par cette histoire, que l'aveu lui était difficile à faire. C'est pourquoi sa colère finit par se calmer, et elle se rassit calmement sur le banc. La jeune O'Connell soupira, passant sa main dans ses cheveux. Tiraillée entre plusieurs sentiments et pensées, elle décida de laisser sa cousine s'expliquer, et elle aviserait ensuite.

Heather était partagée. D'un côté elle bouillonnait de rage que sa cousine ne lui raconte que cela maintenant, qui deplus est une histoire où elle s'était fait tapée dessus ! Mais de l'autre, elle la comprenait. Comment avouer une telle chose facilement ? Et puis elle n'avait sûrement pas eu envie de lui partager ses problèmes qui étaient après tout bien personnels. Elle resta assise sur le banc, les yeux perdus dans la vague. Cela en expliquait beaucoup que le comportement parfois craintif de sa cousine. Se sentir coupable pendait si longtemps, ce n'était pas à envier. Elle fronça les sourcils, n'imaginant pas combien Cat avait du souffrir, voir son meilleur ami partir sans dire au revoir. Heather serra les mains que Cataleya avait posé dans les siennes puis leva le regard. « Je suis désolée. » fit-elle. « Je savais pas.. » Elle regrettait s'être énervée, avoir cru qu'elle ne le lui avait pas dit pour une question de confiance. Elle avait remit en cause leur profond lien affectif, et s'en voulait. Douter de sa confiance ? Ce n'était pas possible, et elle le savait. Elles étaient passées par tellement de choses que les deux jeunes filles ne se cachaient jamais rien -enfin, presque, du coup-. Mais en tout cas rien qui ne pouvait nuire à l'autre. Pourtant Heather continuait sans cesse d'agir impulsivement, sans chercher à attendre les explications avant de s'emporter. Et elle s'en rendait compte, mais elle n'arrivait pas à garder ses pensées pour elle. Et ça lui posait décidément bien des soucis.

Cataleya lui dit alors qu'elle serais ravie de lui présenter Isaiah. Un sourire s'étira sur les lèvres de la jeune O'Connell. « Et comment ! » s'exclama-t-elle. Après tout cela, elle avait bien hâte de le renconter ! « Je verrais s'il est aussi mignon que je le crois ..! » rajouta-elle en rigolant. Elle se releva alors, souffla un bon coup, puis décida de réjouir un peu le moment, qui tendait un peu trop à la déprime. Et puis Cat sortait tout de même de l'hôpital, il fallait qu'elle se repose. « Bon ! » fit-elle en se levant. « Je te ramène à la maison et on se pose devant un film avec un bon thé et des cookies ! T'en penses quoi ? » Avec un sourire, elle n'attendit pas l'accord de Cat, et l'amena à la voiture où elle se mit du côté passager avec l'aide d'Heather, qui fut ranger le fauteuil à l'entrée. Heather sifflota tout en rentrant dans la voiture, signe qu'elle n'était plus stressée. Sa cousine allait bien, et les explications s'étaient faites. Elle retrouvait son amour de cousine, celle qui la comprenait mieux que personne. Puis elle alluma la radio, et une chanson connue passa. Elle regarda Cataleya et lui fit un sourire avant de chanter à tue tête avec elle. Dieu que c'était bien de l'avoir, cette O'Connell.

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