Zachariah regardait les gouttes de pluie courir sur la vitre à côté de lui. C'était le vide total, pas une petite affaire, un coup de fil sur une disparition de chat, rien du tout. Il était maintenant 11h30 et il avait maintenant acheté la moitié de ce que contenait le distributeur de snacks.
Affalé sur sa chaise de bureau, en train d'éplucher les pages facebook de ses divers amis, il était littéralement payé à rien foutre. En même temps, être stagiaire dans un commissariat, ça ne veut dire qu'un rare accès au terrain, pas d'autorisation pour la salle d'autopsie ou quoi. Il attendait son diplôme avec tellement d'impatience qu'il avait déjà appris le contenu de ses bouquins pour l'examen final. Il se devait de tout réussir, comme à son habitude. Il avait assez bossé pour avoir les qualifications qu'il fallait pour que son plan marche comme il l'avait prévu. Une vie tranquille dans une ville tranquille, c'était ce qu'il lui fallait. Ses yeux se fermant, petit à petit, tout doucement, ils se rouvrirent d'un coup quand la porte fut presque arrachée de ses gonds. Sans exagération aucune. Sursautant, il poussa toutes ses barres chocolatées dans son tiroir, offrant son plus beau sourire à Cataleya. "Tiens, Cat, apparemment surcafféinée... Qu'est ce que je peux faire pour toi?". Chercher un dossier, appeler le chef, t'offrir un Mars? Non, ça c'était resté dans sa tête. Fermant rapidement l'onglet facebook, il restait le regard fixé sur... un chat en train de jouer du piano. L'ultime preuve que sa journée allait être aussi morose jusqu'à la fin.

Là, Cat avait précisément attiré l'attention de Zachariah. Une légende? Il en avait vaguement entendu parler, lors de certaines soirées étudiantes. Balivernes, légendes urbaines et caetera. Mais si c'était elle qui lui en parlait, et qu'en plus elle avait un dossier, ça promettait d'être interessant! Lui arrachant le dossier des mains, il l'ouvrit en grand, les yeux pétillants. "Bon, dis moi c'que tu sais déjà, que je planche la dessus un moment. Parce que vu la journée qui nous attend, j'pense qu'un mystère insoluble pourra un peu m'occuper...". Feuilletant le dossier, c'est à dire les quelques pages qui le composaient, il les étala devant lui. Quelques photos, des rapports d'officiers, rien de bien passionnant. Soupirant, il fit la moue avant de mettre quelques documents ensemble, ignorant l'ordre chronologique, préférant les rassembler par points communs. Mais, dans le cas présent, il n'y en avait quasiment aucun. S'enfonçant dans sa chaise, il se plongea dans une lecture minutieuse pendant quelques minutes. Se raclant la gorge, les sourcils froncés, il fixait sa collègue d'un regard plus qu'étrange. "Donc, en gros. Les familles fondatrices étaient menacées mais personne n'en a parlé. Et puis un ancêtre s'est fait descendre. Quasiment pas d'indices, que des témoignages. Et on en a arrêté un, puis il s'est fait descendre à son tour. Marrant la notion de présemption d'innocence à l'époque hein? Enfin marrant c'est pas vraiment le mot. Mais en tout cas peut être que c'était un innocent. Quoique l'histoire s'est calmée depuis, ça serait encore plus étrange. Mais peut être que c'était fait exprès. Quand l'agresseur a vu que tout le monde voulait le buter, il a pris peur. Logique." Hochant la tête par intermittence, il était déjà parti trèèèèèèès loin. Mais alors très très très très loin. Se mordant les lèvres, il réalisa qu'il n'était pas tout seul, et passait probablement pour un fou. "Mais euuuh... J'extrapole là. Vu qu'on a ni le nom du tueur présumé, ni son ADN, ni dossier conséquent. En fait. Non mais sérieusement, c'était y'a 22 ans, c'est pas si loin 22 ans! L'affaire Zodiac c'était y'a 50 ans, et pourtant y'a des pages et des pages et des pages dans leur dossier. C'est dingue qu'il n'y ai rien. Tu trouves pas? Moi j'trouve."

La remerciant du regard pour le café, il se replongea dans les quelques feuilles du dossier. Fronçant les sourcils, il sorti son bloc note du tiroir... rempli de barres de chocolat. Se souvenant de ces dernières, il en tendit une à Cataleya « Euh... Tiens... J'ai peut être malencontreusement acheté mon poids en Mars... ». Souriant comme un débile, il se replongea dans la mini enquête. Il écrivit quelques lignes sur son bloc notes. Familles fondatrices: Motif (?). "Assassin" tué: Qui? Nouvelles menaces: Réel assassin, un de ses descendants ou mauvaise blague? Pour le motif de ce harcèlement, il ne pouvait certainement pas le découvrir dans des documents officiels. Pour que ça en arrive là, il y avait baleine sous gravillon. Le tueur en voulait forcément aux familles fondatrices, pour quelque chose d'assez important pour qu'il en vienne au meurtre. Et les magouilles n'étaient jamais rendues officielles, surtout celles des familles fondatrices. On ne touche pas à l'innocence légendaire des plus pourris de chaque ville. Soupirant, il but une gorgée de son café brûlant, espérant que cela lui éclaircirait l'esprit. Il avait besoin de l'identité de l'assassin présumé, tué 22 ans auparavant. A vrai dire, ça aurait pu donner au moins une première piste sur la vérité. « On a vraiment aucune trace de ce mec qui a été tué? Aucune? Genre, pas de pierre tombale, pas de cendres, pas d'arme du crime, pas de certificat de décès, nada? ». Le moindre indice, même le plus infime aurait pu être utile. Zachariah avait cette certitude que la majorité des tueurs en série, déclarés fous, avaient en réalité un motif. Qu'il fallait simplement le chercher plus loin, sans se baser sur des critères psychologiques archaïques. Il déplorait à vrai dire l'archaïsme tout entier de la profession, ainsi que son immobilisme. Buvant une nouvelle gorgée de son café, se balançant sur sa chaise, il restait les yeux rivés sur le dossier.

Soupirant, il attrapa sa tasse avant de la porter à sa bouche. Décidemment, il ne devait pas s'attendre à un peu d'aide, surtout venant de la police elle-même. Pas grave, il devrait se débrouiller seul. Il en avait à vrai dire l'habitude, et en savait déjà un minimum sur le sujet. Portant un crayon à sa bouche, le machonnant, il aquiesca d'un marmonnement quasi inaudible, désormais plongé dans ses pensées. Il ne savait absolument pas comment il allait procéder, ni par où commencer. La famille Andreani était donc celle au sein de laquelle l'histoire avait éclaté. Autant commencer par là. L'arbre généalogique contenait très certainement des jeunes femmes de son age, qu'il pouvait donc approcher mieux que n'importe qui d'autre. Pour trouver ça, il fallait qu'il fouille dans les registres des habitants de la ville, et qu'il rassemble les différents noms des jeunes femmes. Et ça, ça risquait d'être très compliqué, sachant que Cat ne quitterait certainement pas le commissariat de la journée. Soupirant, il laissa tomber son bloc note et se retournant vers sa supérieure, la mug lui réchauffant les mains. « C'est pas grave, j'aurai qu'à attendre pour m'occuper de ça. Après tout, j'aurai mon diplôme dans quelques mois, et là c'est clair que vous ne pourrez plus me décoller de vos baskets. ». Il savait très bien qu'elle n'allait pas y croire, pas une seule seconde. Elle s'était certainement trop habituée à ce qu'il mette son nez dans les quelques affaires qui attiraient son attention. Lui adressant un sourire espiègle, il but une gorgée avant de poser sa tasse et de l'interpeller. « Regarde ce que j'arrive à faire maintenant! ». Sitôt sa phrase finie, il prit un peu d'élan et fit tourner sa chaise de bureau d'un coup. Après treize tours, il lança un sourire victorieux à Cataleya, « Bon, faut pas m'en vouloir hein, mais mes journées sont uniquement alimentées par du tri de courrier, du rangement de dossiers et de concours de tours sur ma chaise avec mon autre moi. Regaaaaaarde le mal que ça me fait! ». Avec un peu de chance, il réussirait à l'attendrir...